jeudi 28 juin 2007

Faut-il dire orphelin ou enfant vulnérable?

Je suis heureux de l’avancée des échanges et de la pertinence des interventions des uns et des autres sur ce sujet fort sensible des « orphelins et enfants vulnérables du fait du SIDA ».
Tout le mérite revient à la coordination de notre réseau, qui de manière symbolique inaugure cette nouvelle ère par les enfants, c'est-à-dire notre avenir.

Je planterais le décor par l’article fort « inquiétant » de M. Nicholas Gouede du PNUD ; lequel traduit de manière significative la menace qui pèse sur la quasi totalité des pays d’Afrique subsaharienne : La « génération perdue ». C’est la triste réalité, pas une nouvelle forme d’afro pessimisme ; il y a donc urgence et nous sommes tous interpellés : gouvernements, institutions internationales, acteurs communautaires, hommes de religion…

Tenez, pour renchérir les propos de Monsieur Gouede, plus de 90% des près de 15 millions d’orphelins dans le monde vivent en Afrique. Mieux encore, une étude à ce sujet menée dans 23 pays montre que le nombre d’orphelins atteint son apogée environ 7 à 10 ans après celle de la séroprévalence. Cet effet à retardement signifie que le nombre d’orphelins continuera d’augmenter jusqu’en 2015 au moins (même si chez les adultes l’épidémie était maîtrisée) et qu’il ne pourrait plafonner dans certains pays qu’après 2020 (source, Hunter and Williamson, Developping Strategies and Policies for Support of HIV/AIDS-infected and affected Children, Project report, 1997.). En d’autres termes, nous ne sommes qu’au début du problème dont l’ampleur se dévoilera d’année en année.

Intéressons-nous maintenant au concept même d’Orphelin et Enfant Vulnérable (OEV). Force est de constater que nous n’avons pas à faire à un groupe homogène d’enfants ; d’abord parce qu’il y a une différence fondamentale entre « orphelin » et « enfant vulnérable » et parce que certaines politiques ne voudraient pas considérer ce groupe sous l’angle de la vulnérabilité spécifique au VIH/SIDA.

Ces différences sont fondamentales parce qu’elles déterminent les types d’interventions et donc les procédés de ciblage et d’identification. Les orphelins et les enfants vulnérables présentent des caractéristiques différentes, et il est donc incorrect de les considérer comme un groupe homogène d’enfants nécessiteux. Chacun peut être exposé à des risques différents et à des vulnérabilités particulières.

S’il est simple de définir «orphelin du SIDA» comme tout enfant ayant perdu son père, sa mère ou ses deux parents à cause du SIDA avant l’âge de 18 ans (ou 15 ans pour certains), certains acteurs par souci d’efficacité considèrent à juste titre certainement, « enfant vulnérable » comme des enfants dont les parents vivent avec le VIH ou sont eux-mêmes infectés par ce virus. Je vois ici l’approche SERMENT MERVEIL dont l’intéressant travail à Brazzaville est une rupture salvatrice pour ce groupe spécifique d’OEV (c’est d’ailleurs ma propre sensibilité).
Pour les autres, «Enfant vulnérable » se définirait en s’appuyant en général sur de simples indicateurs de subsistance.

Ils jugent alors que le terme « orphelin », et plus particulièrement « orphelin du SIDA », puisse faire plus de mal que de bien, en contribuant de manière non négligeable au mépris et aux mauvais traitements auxquels sont exposés ces enfants. Je fais un clin d’œil à Henri Christian LONGENDJA dont la contribution donne peut-être un argumentaire intéressant à ce groupe, il dit : «…ces enfants sont taxés de sorciers et rejetés dans la rue… ».

Au Cameroun, le programme National de Soutien aux OEV reprend cette approche et a une vue globale sur l’ensemble des vulnérabilités, en considérant certainement que le contexte d’épidémie généralisée du VIH/SIDA (5,5%) dans le pays y contribue fortement. Ce n’est pas au goût de nombreuses associations et réseaux de personnes vivant avec le VIH et de bien d’autres acteurs communautaires ; mais ceci a le mérite de ne pas exacerber la stigmatisation et la discrimination des familles affectées par le VIH.
Identification et ciblage des OEV.

Sylvie Niombo a de bonnes raisons d’être inquiète au sujet de l’identification de ces enfants. Comme je le disais tantôt, selon l’approche nous aurons des procédés et des interventions différentes. Je commencerais par ce qui semble être cher à SERMENT MERVEIL au Congo et KidAIDS au Cameroun, les « orphelins du SIDA » et les « enfants vulnérables du fait du SIDA ». Pour éviter les redites, je reprend tout ce que Julien suggère (registres de décès, enquête sociale, questionnaires sur le genre de mort) en insistant sur le cas où cela serait faisable et respecterais la confidentialité et les questions d’éthique. Je sais que cela a été fait à Brazzaville (bravo) ; mais peut s’avérer hyper difficile dans d’autres contextes.

De manière complémentaire, les acteurs communautaires dans la prise en charge des PVVIH, les programmes de soins à domicile, de conseils et dépistage volontaire, les structures sanitaires, les associations et réseaux de PVVIH peuvent être mis à contribution.

P.S : J’espère n’avoir pas mal interprété les prises de positions de quelques participants au débat.

Patrice Désiré NDZIE
Coordonnateur des Programmes
KidAIDS-Cameroun.

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